Une fois, rien qu’une fois

 

Voir ce qu’on appelle Paradis

 

Et être rempli de tant de joie

 

Que l’on se sentirait béni.

 

 

 

Deux fois, rien que deux fois…

 

Se sentir vide, libéré

 

De tout ce qui, au fond de toi,

 

Ne fais que te paralyser.

 

 

 

Trois fois, rien que trois fois…

 

Oublier tout ce qui te terrorise

 

Et toutes ses lois

 

Qui, pourtant, te l’interdisent.

 

 

 

Une fois, rien qu’une fois

 

Quand tu veux, tu arrêteras.

 

T’auras juste à claquer des doigts…

 

Tu arrives à te convaincre de ça.

 

 

 

Deux fois, rien que deux fois,

 

Grâce à cette poudre du Paradis,

 

Tu souhaites oublier tous tes soucis.

 

Une fois… au moins une fois…

 

 

 

Une seule putain de fois

 

Et cela aura suffi pour toi.

 

Plus jamais tu ne t’en sortiras.

 

Le Paradis, jamais tu ne connaîtras.

 

Noëmy CLER

 


Je pénétrai dans la salle, la pizza à la main et allai directement la poser sur la table du fond.

 

Nous étions six à cette soirée : six amies toutes liées, les unes aux autres par le pacte de la vérité. Cet arrangement consistait à toujours tout dire aux autres filles, sans mensonge, sans honte. Quand l’une d’entre nous parlait, nous faisions le silence, nous écoutions avec attention, jusqu’à la fin, son discours. Jamais nous ne nous moquions de l’une d’entre nous, il était interdit de rire d’une fille ayant signé ce pacte (et Dieu sait combien nous tenions nos promesses) Ce serment était aussi le devoir du silence : celle d’entre nous qui parlait à une personne extérieur de nos histoires où de notre pacte était sévèrement punie, en étant bannie de ce cercle d’amies d’enfance.

 

La soirée avait débuté à 20 heures et battait son plein : Gaëlle dansait avec Alvina, Emilie et Elsa. Maëve mangeait une part de pizza à mes côtés. Comme à son habitude, elle ne parlait pas.

 

Tout allait pour le mieux, quand la lumière s’éteignit d’un seul coup. Un cri se fit entendre dans la salle. La musique était si forte que l’on fut dans l’incapacité de dire qui avait crié. Je me précipitais pour rallumer la lumière, retournais dans la pièce et découvrais le corps de Maëve allongé par terre ; ses cheveux blonds étaient tachés de sang, et de son cou coulait à flot un liquide de la même couleur. Les regards étaient paniqués, je pris un mouchoir sur la table et le déposait délicatement sur la tête de mon amie, qui ne bougerait sûrement plus pour le retirer de son visage si joli auparavant.

 

 

Nous nous installâmes à la table, blêmes, pour en parler, quand Alvina si calme d’habitude, fit une crise de nerfs. J’allais lui chercher un calmant, quand la lumière s’éteignit une fois de plus, et qu’un nouveau cri retenti dans le noir. Je demandais à quelqu’un de rallumer en hurlant à moitié (ce qu’Emilie fit en toute hâte) et découvris, avec les autres filles, le corps d’Alvina, transpercé au cœur. De cette blessure s’échappait du sang, encore plus abondamment que celui qui déferlait toujours du cou de Maëve (notre amie si chère). Cela faisait déjà deux filles « disparues » ; nous ne disions plus rien et attendions que l’une d’entre nous se décide à bouger. Ce fut Elsa qui attrapa une serviette sur la table et la posa sur le visage de notre amie défunte pour cacher ce regard froid et vide. Nous décidâmes alors de nous asseoir pour discuter.

 

Nous nous regardions en silence, chacune essayant de savoir laquelle d’entre nous était coupable d’un tel acte, car ça ne pouvait être que l’une des filles présentes dans cette pièce, étant donné que mes parents m’avaient laissé la maison pour la soirée. Il n’y avait donc que six filles présentes ce soir –là, six filles censées d’adorer et se respecter : laquelle de nous quatre pouvait en vouloir au groupe ?

 

Elsa se leva subitement, trop peut être car elle tomba à terre. Nous la regardâmes sans comprendre ce qui lui arrivait, quand nous la vîmes se prendre la cheville gauche avec la main droite et commencer à la masser doucement. Un instant, j’ai cru qu’elle s’était évanouie ou avait eu une crise de ‘je ne sais quoi’… elle me demanda une pommade pour les coups ; ce à quoi je répondis que je n’en avais pas, mais qu’il y avait des glaçons dans le réfrigérateur de la salle d’à côté. Emilie, toujours aussi serviable et amicale, se leva pour aller en chercher. Mais elle n’avait pas fait deux mètres, que la lumière s’éteignait de nouveau. Nous entendîmes alors un cri étouffé. Ce bruit de l’endroit où était Elsa auparavant ; j’en déduisis que ce cri-là venait d’elle !

 

J’appuyais sur l’interrupteur et quand la lumière éclaira la pièce, nous vîmes Elsa qui reposait paisiblement, comme endormie, sur le sol, la gorge transpercée de deux grandes entailles. Gaëlle prit un mouchoir et lui couvrit le visage en lui fermant les yeux, afin d’éviter de voir le beau visage d’Elsa sans vie maintenant…

 

Nous n’étions plus que trois ! Emilie, soudain possédée par le Diable, alla se réfugier dans un coin de la pièce à côté d’une chaise, à l’écart de ces corps inertes. Elle s’y recroquevilla sur elle-même. Je me levai pour aller la rassurer, quand la lumière fut coupée pour la quatrième fois. Un bruit de chaise se fit entendre, tout de suite après, le bruit sourd d’un corps qui tombe à même le sol. L’allogène se ralluma et je vis Emilie, toujours recroquevillée sur elle-même, mais à la différence qu’elle avait une entaille dans le cou, d’où coulait un liquide rougeâtre foncé. Je sortis un mouchoir de ma poche et le posai délicatement, mais avec dégoût sur son visage.

 

Je me retournais vers Gaëlle. Il n’y avait plus que nous deux ! Si ce n’était ni l’une, ni l’autre qui avait commis ces quatre meurtres, qui cela pouvait-il être d’autre ? Et…

 

J’appuyais sur l’interrupteur… Je rallumai la lumière un petit peu plus tard, me levai, traversais la salle, où reposaient maintenant cinq corps, et pris soin d’éteindre la lumière avant d’aller me coucher.

 

Noëmy CLER.  Texte sélectionné par Astrid BUISSONNEAUD